Qu’est-ce qu’une politique de jeunesse ?

2 Juin, 2025 | Jeunesse et engagement

On a souvent dit – et j’en fais partie – qu’il ne fallait pas faire de politique en maison de jeunes. Mais nier que la politique influence nos structures serait un non-sens. Parce qu’une maison de jeunes, même si elle est une ASBL, ne vit pas dans une bulle. Elle vit dans un écosystème politique, économique et social où les décisions prises « au-dessus » ont un impact direct sur ce que nous pouvons ou non faire au quotidien.

Les maisons de jeunes sont reconnues et subsidiées avant tout par la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est notre principal partenaire public, celui qui décide, avec l’avis du secteur, de qui est reconnu et à quelle hauteur il sera soutenu. Ensuite vient la Région wallonne, qui contribue via les postes APE à faire tourner les équipes. Et enfin, les villes et communes, souvent dernier maillon mais pas des moindres, qui mettent à disposition des bâtiments, paient les charges, ou attribuent des aides complémentaires.

Alors, est-ce que c’est suffisant ? Beaucoup d’acteurs du secteur répondront non. D’autres observateurs extérieurs diront que c’est déjà beaucoup pour des structures privées. Pourtant, rappelons une chose : une maison de jeunes n’a pas de but lucratif, et dans 90 % des cas, aucune source de revenus en dehors des subventions. Ce modèle existe pour une raison : dans une société où tout s’achète et se vend, il faut qu’il reste des lieux où les jeunes peuvent exister sans pression de rentabilité. Des lieux où l’on a une obligation de moyens, pas une obligation de résultats. Encore faudrait-il d’ailleurs définir collectivement quels résultats on attend d’une maison de jeunes.

Mais revenons à la politique de jeunesse.

Là où le bât blesse, c’est que cette politique manque d’ambition, de cohérence et surtout de continuité. Elle dépend trop souvent des personnes en place, de leurs priorités du moment ou de la conjoncture politique. Il n’existe pas de réelle concertation entre les différents niveaux de pouvoir. Chacun agit dans son coin. Et comme le secteur est petit, il passe souvent sous les radars. On bricole. On s’adapte. On se débrouille, on fait ce qu’on peut. On s’est habitué à peu. Et à force de bricoler, on finit par considérer que c’est normal.

Parce que si, collectivement, on affirme que la jeunesse est notre avenir, alors il est temps de le prouver. Pas en mots. En actes. Or, combien de communes n’ont toujours pas de politique de jeunesse digne de ce nom ? Combien improvisent au lieu de professionnaliser ? Et surtout, combien risquent de mettre en péril l’avenir de leurs maisons de jeunes sous prétexte d’économies budgétaires ?

Prenons l’exemple de Charleroi, la plus grande ville de Wallonie. Dans le cadre du plan de redressement imposé par la Région wallonne – qui accompagne un prêt de plusieurs dizaines de millions d’euros –, la Ville est contrainte de faire des économies importantes. Parmi les pistes envisagées : mettre fin à la gratuité de la mise à disposition des locaux pour les associations, y compris les maisons de jeunes.

Ce n’est qu’une proposition, certes. Mais elle existe. Elle circule. Et elle pose de vraies questions.

Parce que si demain, Charleroi décidait de ne plus mettre de bâtiments à disposition de ses MJ, ou de ne plus prendre en charge les charges liées à ces locaux, ce serait une rupture. Une remise en cause fondamentale de ce qu’est une politique de jeunesse. Cela reviendrait à dire : les jeunes, débrouillez-vous ailleurs.

Pour les maisons de jeunes, deux options émergeraient : déménager… ou disparaître. Déménager, peut-être dans des communes plus riches – là où, soyons honnêtes, les besoins en accompagnement jeunesse ne sont pas toujours les mêmes. Ou disparaître, tout simplement, faute de moyens.

Dans les deux cas, la conséquence serait la même : une perte brutale de lien, de présence, d’ancrage pour les jeunes des quartiers. Un recul social. Une erreur politique.

À FOr’J, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que les contraintes budgétaires existent. Que les décisions ne sont pas faciles à prendre. Mais nous ne pouvons pas rester silencieux face à des choix qui mettraient en péril un secteur entier, et avec lui une génération.

Derrière cette situation, c’est bien une absence de politique de jeunesse cohérente et ambitieuse qui apparaît. Une vraie politique de jeunesse, c’est celle qui s’inscrit dans la durée. Qui repose sur une vision partagée entre tous les niveaux de pouvoir. Qui considère la jeunesse non pas comme un « coût » mais comme un investissement. Et surtout, qui ne remet pas en cause l’essence même des maisons de jeunes sous prétexte d’économies.

FOr’J défendra toujours cette approche. Nous ne sommes pas utopistes : nous savons que l’argent ne pousse pas sur les arbres (même dans nos projets de permaculture). Mais faire toujours plus avec toujours moins… à un moment, l’élastique casse.

Et si cela devait arriver à Charleroi, ce serait un véritable drame.
Alors wait and see… mais en restant debout, mobilisés, et surtout, vigilants.

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