Utiliser l’IA avec les jeunes : droits d’auteur, vie privée… ce que chaque animateur doit savoir

16 Juil, 2025 | Intelligence Artificielle

De plus en plus d’activités en Maisons de jeunes intègrent des outils d’intelligence artificielle (IA) : générateurs d’images, de musiques, de textes, etc. C’est une belle opportunité pour développer la créativité, mais cela soulève aussi des questions juridiques importantes, notamment sur les droits d’auteur, le droit à l’image et la protection des données. 

En tant qu’animateur.trice, vous avez un rôle clé à jouer : encadrer ces pratiques de façon responsable, sans freiner l’élan créatif. Voici l’essentiel à savoir pour utiliser l’IA avec les jeunes en toute conscience.

1. Qui est l’auteur quand c’est une IA qui crée ?

Le droit d’auteur protège les œuvres créées par des humains. Si une œuvre est générée uniquement par une IA, sans intervention significative d’une personne, elle n’est pas protégée légalement. Toutefois, si une personne influence significativement sa création (choix des données, supervision, etc.), il pourrait revendiquer des droits d’auteur.

Exemple : Si un jeune tape une phrase vague dans un générateur d’image (genre “chat dans l’espace”) et laisse faire l’IA, il ne pourra pas vraiment dire que c’est son œuvre.
Mais s’il travaille le prompt, ajuste les réglages, choisit un style, affine les résultats et fait une vraie démarche créative, là, il peut être reconnu comme auteur.

2. Doit-on dire qu’on a utilisé une IA ?

Pour l’instant, pas d’obligation générale en Europe de mentionner que c’est une IA qui a créé un contenu. Mais ça évolue vite, et dans certaines situations, la transparence est déjà requise.

  • Le RGPD implique une transparence sur l’utilisation de l’IA si elle affecte les droits ou libertés des individus (ex. : élaboration de profils, recommandations spécialisées).
  • La directive sur le droit d’auteur peut demander une mention si des œuvres protégées ont été utilisées pour entraîner l’IA.
  • L’AI Act oblige les fournisseurs et les utilisateurs à signaler les contenus générés ou modifiés par l’IA lorsqu’il s’agit de deepfakes ou lorsqu’ils ont pour but d’informer le public sur des questions d’intérêt public (sauf en cas de contrôle éditorial).

Même sans obligation légale stricte, signaler l’usage de l’IA est recommandé pour des raisons d’éthique, de transparence et d’anticipation des futures réglementations.

Bon réflexe en MJ : encouragez les jeunes à mentionner spontanément l’utilisation d’une IA (par exemple “Image générée avec [nom de l’outil]”) – c’est un geste éthique et éducatif.

3. Peut-on utiliser des œuvres protégées pour entraîner une IA ?

Former une IA nécessite souvent des milliers d’exemples, parfois issus de films, musiques, textes ou images protégés.

En principe, utiliser une œuvre protégée sans autorisation viole le droit d’auteur. Cependant, des exceptions existent, notamment à des fins de recherche ou d’apprentissage automatique. Cela reste cependant très encadré au niveau européen.

Pour les activités en Maisons de jeunes, il vaut mieux éviter d’utiliser des bases de données ou contenus non libres de droits sans vérifier leur statut.

4. Droit à l’image et à la voix : soyez vigilants !

L’image et la voix de personnes réelles sont des données personnelles protégées. Leur utilisation, notamment via une IA (deepfake, clone vocal, avatars…), est très réglementée.

Droit à l’image

En Belgique, toute personne a le droit de contrôler l’utilisation de son image. Il est interdit d’utiliser ou de diffuser une image (photo, vidéo) sans le consentement clair, libre et éclairé de la personne concernée.

Même pour un usage créatif avec les jeunes, demandez toujours l’autorisation, surtout si l’image est utilisée pour :

  • entraîner une IA ;
  • générer un contenu personnalisé ;
  • publier le résultat (réseaux sociaux, site web…).

Il existe toutefois quelques exceptions au droit à l’image, par exemple, lorsqu’une personne est une figure publique ou si l’image a été prise dans un contexte public où elle ne porte pas atteinte à la vie privée. Toutefois, même dans ces cas, l’utilisation commerciale ou dérivée nécessite généralement un accord préalable.

Même si les jeunes sont d’accord, pensez à faire signer un accord écrit, surtout si l’image est utilisée en dehors de la MJ.

Droit à la voix

La voix est aussi une donnée personnelle. Utiliser la voix d’une personne pour entraîner une IA ou la reproduire artificiellement nécessite également un consentement explicite.

Si une IA génère ou utilise la voix d’une personne réelle sans son consentement, cela pourrait être considéré comme une violation des droits à la vie privée ou des droits à l’image et à la voix, et pourrait entraîner des sanctions.

Deepfakes et voix synthétiques : pas de zone grise

Les deepfakes (vidéos truquées avec le visage ou la voix de quelqu’un) sont parfois utilisés dans des ateliers créatifs, mais attention :

  • Sans consentement, leur usage peut violer des droits fondamentaux (vie privée, image, réputation…).
  • Même une voix “synthétique” peut poser souci si elle ressemble à celle d’une vraie personne.

Conseil : utilisez ces outils pour ouvrir la discussion critique avec les jeunes. Qui est représenté ? Qui décide ? Que peut-on faire et ne pas faire avec l’image ou la voix de quelqu’un ?

5. Bonnes pratiques pour les animateurs

Pour encadrer les projets IA avec les jeunes, voici quelques gestes simples à intégrer dans vos animations :

  • Informez les jeunes quand une IA est utilisée ;
  • Les inviter à réfléchir à l’origine des données utilisées et à leur propre rôle de créateur ;
  • Collectez les consentements écrits si des images ou des voix sont utilisées ;
  • Utilisez des bases de données libres de droits pour entraîner des IA ou créer des contenus ;
  • Respectez toujours les principes du RGPD : transparence, consentement, droit à l’effacement.

6. En conclusion

L’IA est un outil puissant pour la création, l’éducation et la sensibilisation des jeunes. Mais elle vient avec des responsabilités. En tant qu’animateur, vous êtes en première ligne pour transmettre les bons réflexes numériques, protéger les droits des jeunes, et encourager une utilisation éthique de ces technologies émergentes.

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